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« Le spectacle est en nous, nous l’avons absorbé, lui et les désirs qu’il charrie, les envies, le pouvoir : l’obsession du spectacle,

le spectacle de l’obsession, coulent dans nos veines. Et moi, ma gazoline, mon pétrole, c’est cette fantasmatique collective,

planétaire, c’est cette énergie incroyable qui m’a donné envie de « faire » de l’art – « fare » l’artista comme on dit en

Italie.

Dans les rêves des gens d’aujourd’hui il y a encore plus de désirs qu’il n’y en a eu dans le passé – on désire des situations

iconiques, mais on les désire pour soi-même ; on désire des modèles formatés, mais pour soi-même aussi ; et chacun peut, doit

? faire : faire un blog, se faire, se construire une identité avec les rêves ambiants. Notre époque est ultra-désirante et, en phase

avec elle, dans cette planétarisation du futile dans laquelle nous vivons, l’art contemporain fait lui aussi partie du “lifestyle“ :

l’art et l’artiste comme psychanalystes de la confusion et de l’hystérie d’aujourd’hui. »

« Il en va de même pour la mode, elle aussi a été absorbée, intériorisée. Dans les années 1960, on la regardait comme on

regarde la télévision, à distance – mais aujourd’hui la mode est en nous, en face de nous : nous, les gens, sommes devenus

la mode. La mode était autrefois réservée aux élites – mais aujourd’hui, la mode, c’est tout le monde et chacun de nous, dans

une sorte d’explosion atomique de désirs. »

« Si la mode est “à la mode“, ce n’est jamais par hasard mais à chaque fois pour des raisons profondes de l’époque et c’est

la succession des modes qui a fait l’Histoire – même Michel-Ange était “à la mode“, et un courtisan de génie ; Phidias énervait

Platon parce qu’il était “à la mode“ et plaisait trop ; quand on évoque le 18ème siècle, on voit d’abord une robe sortie d’un

tableau de Watteau, bien avant l’encyclopédie… La mode est beaucoup plus profonde que les gens dit profonds veulent bien

nous le dire. »

« Dans les livres d’Histoire on essaie de nous faire croire à une universalité. Mais l’Histoire n’est faite que d’individualités, ce

sont les gens qui font l’Histoire. Comme la peau est le corps – le plus profond, c’est cette surface et sans la peau le corps est

impensable – la mode est la peau de l’époque, et si on enlève cette peau on enlève tout. On se souviendra des tenues de

Kadhafi aussi longtemps que le printemps arabe fleurira nos mémoires… La mode est bien plus première et dernière qu’on ne le

pense. La mode écrit l’Histoire : au début était la mode, et tout ce qui restera finalement sera encore cette poussière de mode

et la vanité qui va avec, et peut-être ne sommes-nous que cela. Et ce n’est déjà pas si mal… »

Du 22 novembre 2011 au 14 janvier 2012, Frank Perrin présente une série de photographies intitulée « Empire » avec

Mouammar K. en fashionaria, dans une exposition conjointe de la galerie Taïss et d’Analix Forever à Paris.