
Frank Perrin, philosophe, critique, créateur de la revue Bloc-Notes et du magazine Crash, photographe du post-capitalisme,
est dans le faire et le revendique : « Faire m’intéresse plus que de penser, de savoir, ou d’agir. J’aime faire, comme les artistes,
ou les paysans, qui « font » des choses et qui apportent ainsi un éclairage sur ce qui se passe dans ce monde, le nôtre, en ce
moment même. Faire est le verbe qui correspond le mieux à notre époque : faire, c’est pertinent et c’est modeste, cela prétend
pas plus que cela ne fait. Faire donc, et parler, chanter, peindre, écrire, courir après le temps… »
« Ce qui m’intéresse, c’est de saisir les fantasmes collectifs, les obsessions contemporaines, et, série après série, d’en faire une
sorte de catalogue raisonné. Le jogger par exemple : une obsession spontanée, planétaire, de la performance. Les défilés eux
aussi : ils sont la scène de la tragédie dans laquelle tout le monde se meut, l’obsession du modèle et du peuple obscur qui le
regarde… Comme une sorte d’émeute. L’addition de tous les gens, de toutes leurs obsessions, a plus à dire que moi-même.
Je n’ai pas de vérité à asséner. La beauté, la mode, le spectacle, la planétarisation du futile : j’essaie d’attraper ces choses-
là, ces fascinations qui sont de l’ordre à la fois de l’image extérieure et de l’image intériorisée, cette mousse des vagues de
l’obsession – de les attraper dans mes filets comme un chasseur de papillons. Je suis dans le pollen des choses et essaie d’en
extraire l’essence – mais il ne suffit pas de claquer les doigts, il faut trouver des miroirs de ces pics d’obsessions, des formes
pour transmettre la complexité de l’époque. »
« La beauté n’est jamais seule. Elle a son ombre : le côté terrifiant, vain, sublime, affreux… – il faut saisir la beauté avec son
ombre, sinon elle n’existe pas, comme l’homme qui a perdu son ombre. La beauté est ambiguë ou elle n’est pas. Je pense à
l’horreur des chaises électriques de Warhol, à la bêtise d’une boîte de Campbell : une beauté presque chirurgicale, et l’ombre,
l’horreur qui va avec. La beauté a toujours une double entrée, une abscisse et une ordonnée, à la fois l’obsession de beauté
et l’horreur de la vanité qui l’accompagne. »