
Les chefs-d’œuvre architecturaux sont souvent des objets isolés, des doigts
d’honneur à la ville, des révoltés. Et l’ONU, toute diplomatique qu’elle soit,
ne fait pas exception à la règle. Situé en territoire international, le Siège des
Nations Unies est un des seuls bâtiments à s’aligner à 90° par rapport aux
blocs de Manhattan et à l’écart, sur une esplanade très « Brasilianesque
». Cette prise de position n’est pas sans rappeler les partis pris anti-new-
yorkais de Frank Lloyd Wright qui haïssait la ville et avait réussi le tour
de force d’y construire une de ses icônes en y jetant un immeuble rond et
féminin, le Guggenheim, au beau milieu des immeubles rectilinéaires de
Manhattan. Frank Gehry avait, lui aussi, prévu son propre Guggenheim
sur l’eau, en dehors de la grille et en contrepoint de celui de Wright, aux
environs de Wall Street ; un projet jamais construit mais qui prouve une
fois de plus que les bâtiments de légende se font rarement caméléons dans
les villes qui les accueillent. En imposant des bâtiments forts plutôt que des
fantômes qui se glisseraient dans le tissu urbain, ces architectes se voient
lentement qualifiés de « starchitects », statut qui ne va pas sans son éternel
lot de critiques. Et le Siège de l’ONU n’est pas en reste.